dimanche 25 mars 2012

Elle et le Black Fashion Power (2/10) Retour sur une polémique



Face au tohu-bohu, le magazine Elle, non sans un certain courage, a fait face, allant même jusqu'à ouvrir ses forums à ses principaux détracteurs. J'ai donc retenu deux contributions à la polémique : les représentants d'un collectif anti-négrophobie et l'ex-miss France Sonia Rolland. Il y est beaucoup question d'inconscient, de codes invisibles, etc. D'où le titre.



Racisme subliminal et inconscient

En marge des protestations visant le magazine Elle à propos d'un article sur le "Black Fashion Power", on a vu poindre des pétitions, relayées par l'Internet (lemonde.fr), le magazine faisant front, voire ouvrant ses colonnes aux contestataires. J'ai retenu la participation de représentants d'un "collectif anti-négrophobie" ainsi qu'une prise de position de l'ex-miss Sonia Rolland. Même procédé : les numéros entre parenthèses renvoient à une série de commentaires de ma part.


Franco Lollia : Le collectif Anti Négrophobie a été créé par certains de ceux qui étaient à l’origine de l’association Alliance Noire Citoyenne. Tous deux luttent contre la négrophobie et le racisme en général. Le collectif fédère des groupes, des personnes et des associations. Alliance Noire Citoyenne est une entité en tant que telle. L’article qui a été publié dans ELLE avait pour nous une connotation négrophobe (01). C’est la raison de notre venue aujourd’hui.

MFC : Vous nous avez dit que cet article relevait du racisme inconscient (02). Qu’est-ce que ce « racisme inconscient » dit de l’état de la société française ?

Franco Lollia : Notre but n’est pas de s’attaquer à la forme, mais au fond du problème. Nous ne voulons pas personnifier ce racisme, ni désigner, même si elle est l’auteur de cet article,  Nathalie Dolivo comme responsable. Il ne suffirait pas de la faire disparaître du champ médiatique pour que le racisme disparaisse. Le problème de fond réside dans le fait que cet article réactive les codes invisibles structurels du racisme (03) et, dans ce cas précis, de la négrophobie. Cet article devrait être utilisé comme cas d’école : en apparence on ne détecte pas de négrophobie, mais quand on le décrypte (03bis),  il peut permettre à chacun de comprendre comment, à son insu (02bis), on véhicule des codes racistes attentatoires aux personnes issues de la communauté noire.

(...) Parce que c’est un racisme invisible dont on n’a pas conscience (03quater), cela le rend encore plus dangereux. On a parfaitement conscience que l’article avait l’intention de promouvoir positivement l’image des noirs (04). Et quand on décode de manière précise la thématique qu’il aborde, on se rend compte que, finalement, il produit un racisme qu’il voulait combattre (05).  Ce sont les mécanismes qui amènent cette forme de racisme qu’il faut combattre. Votre directrice de la rédaction, avec laquelle on a parlé, nous a dit que, dorénavant, vous feriez attention à ne plus utiliser certains termes (05ter).  Le problème n’est pas simplement de faire attention, c’est de voir comment on peut changer les mentalités et modifier les mécanismes qui amènent à ce racisme-là.

CLS : Quels sont ces mécanismes qui conduisent au racisme « inconscient » ?

Franco Lollia : Ils sont dans le système éducatif, médiatique aussi. Tous ces systèmes utilisent les mêmes codes. Parlons de la question des noirs, dont on parle dans l’article. (06). Si vous regardez les manuels d’histoire (06bis),  vous ne voyez jamais les noirs en position de résistance. Pendant très longtemps les noirs ont été absents du cinéma et de la télévision français. Ce n’est pas le cas  aux États-Unis, où ils étaient représentés, mais négativement. Les noirs sont aujourd’hui un minimum représentés, mais cantonnés à des rôles de subalternes ou de simples éléments de décor. Ils sont dénaturés, dénigrés (06ter). D’ailleurs, la racine du mot dénigrer vient de nègre. Il faut le savoir. L’école conditionne aussi les gens à rester dans les mêmes conditions sociales (06quater). Cette manière de représenter les minorités visibles conditionne les gens à admettre l’infériorité de certaines races (06quinter) et la supériorité d’autres. C’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment (02ter), nous en sommes certains (05bis). Et c’est cela qu’on doit combattre.

MFC : Là, vous-même faites appel à des stéréotypes qui qualifient les uns et les autres. Avant il y avait « Y’a bon Banania ». Pensez-vous qu’aujourd’hui sont apparus de nouveaux clichés, de nouvelles caricatures dont on ne se méfie pas assez et qu’on véhicule?

Franco Lollia : Un exemple concret : il y a, depuis de longues années,  dans le 5ème arrondissement de Paris, une affiche qui représente un homme noir avec le slogan « au nègre joyeux » (07), au vu et au su de tout de tout le monde. Ce qui est nouveau c’est que – bien que le racisme soit aujourd’hui une chose totalement condamnable , cette affiche trône toujours et cela ne semble déranger personne ! Le maire du 5ème qu’on a rencontré, attend la décision du ministère de la Culture pour la décrocher. Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de ELLE en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente (02quater),  dont il promeut le racisme. Avec notamment l’emploi du terme « codes blancs » (08). Au final, cela dénature l’homme (08bis) et la femme noirs.

Sophie Fadiga : Particulièrement dans cet article, on voit un stéréotype qui date de ces vingt dernières années : il y est dit que « la communauté noire est arrimée aux codes du streetwear ». On est noir, on est donc censé soit faire du rap, soit faire du sport ! Ces stéréotypes nouveaux continuent d’être véhiculés. Le racisme institutionnel est à la base de ce type de clichés qu’il faut combattre. C’est la racine même du mal. (09)

MFC : Comment faites-vous pour lutter contre ces nouveaux stéréotypes ? Parce que les anciens, comme cette affiche du « Nègre Joyeux », on voit tout de suite que c’en est un (10).

Franco Lollia : Malheureusement, pas toujours, puisque les gens passent devant l’affiche sans voir le problème ! (11)   Concernant les nouveaux stéréotypes, nous tentons de les montrer. Le noir qui a résisté à l’esclavagisme et à la colonisation a toujours existé. Ce sont les livres d’histoire qui l’ont effacé. Nous, nous essayons d’écrire au présent l’histoire de cette résistance, on poursuit ce combat et cette lutte fait partie de notre héritage. Nous voulons montrer l’homme et la femme noirs dans une posture différente de celle dans laquelle les médias – mais aussi l’éducation nationale française –  ont l’habitude de les représenter. Il faut savoir que nos enfants s’identifient aux images qu’ils voient à la télé et dans les médias (12). Dans ce sens, ELLE a un grand rôle à jouer (13). Je peux vous dire que nombre de filles construisent leur identité par rapport à vos couvertures (13bis), qui, d’ailleurs ne mettent en Une que très exceptionnellement des femmes noires (13ter). Le but n’est pas de favoriser les uns ou les autres. Mais essayez d’imaginer l’impact que cela aurait sur vous s’il n’y avait que des noirs en couverture des magazines ! Nous sommes une société multiculturelle (14). Et vous devriez refléter cela, avoir conscience de l’autre (14bis). Nous avons parlé ensemble, il y a eu des excuses officielles, c’est très positif, au-delà des mots, il faut que les actes démontrent qu’effectivement il y a volonté de réparer.

CLS : N’y a-t-il pas aussi du travail à faire dans les diverses communautés noires, notamment parmi les jeunes générations où les clivages et stéréotypes sont aussi intégrés ?

Sophie Fadiga : On intègre les stéréotypes que la communauté majoritaire tend à nous faire intégrer, et du coup, effectivement, on les reproduit et on les alimente (12bis).

Franco Lollia : Notre volonté n’a jamais été de sous-entendre qu’on devait éduquer la « communauté » blanche, si tant est qu’on doive l’appeler ainsi. Mais nous sommes conscients du caractère vicieux du système éducatif, de l’aliénation qu’il produit. On intègre nous-même ces codes (15).  C’est pour cela que vous verrez des noirs qui ne réagissent même pas à ce racisme inconscient (2quinter) et qui disent « mais non, il n’y a rien de raciste ». C’est pour ça que cet article est intéressant, parce qu’on doit apprendre à lire entre les lignes.


Suite à la polémique autour de l’article de ELLE, interview de Sonia Rolland, actrice et miss France 2000.

ELLE. Vous êtes signataire de l'appel mettant en cause l’article sur les égéries noires aux USA. Pourquoi une telle virulence ?

Sonia Rolland. Il faudrait que les lectrices se procurent l’article en question datant du 13 janvier. En analysant chacune des phrases que nous contestons dans la tribune que lemonde.fr nous a offerte, elles comprendront mieux notre stupéfaction 
(16). Notre réponse à ELLE n’est pas virulente, comme vous le laissez entendre, mais avec une pointe d’humour (17), car nous en avons encore malgré tout.

Le magazine ELLE est un hebdomadaire respectable qui défend l’image de la femme depuis 1945 et soulève de vrais sujets de société. Mais de quelles femmes s’agit-il aujourd’hui ?

Un article est le résultat d’une réflexion collective devant faire l’objet d’une recherche journalistique approfondie. Je m’étonne donc que la rédaction ait pu valider un tel papier ! (18) Le ton et le contenu général de cet article m’ont profondément heurtée. Il y a des propos sans fondement (19), stéréotypés, stigmatisants, condescendants voire méprisants (20), comme cela a été beaucoup commenté par ailleurs.

Il faut distinguer l’article, du magazine. Lorsque j’évoque plus haut la réflexion collective d’un magazine, j’ose croire bien évidemment que le journal ELLE n’est pas raciste. Cependant, n’est-il pas légitime de s’interroger quant à la teneur du propos ?

Il ne s’agit pas de dire que le magazine est raciste, mais sa méconnaissance du monde noir (21) aboutit à la reproduction de stéréotypes qui peuvent relever du racisme. Dans la mesure où l’article s’appuie sur des références sérieuses ; « le combat des droits civiques », le « Black Power »,  « Angela Davis », ne mérite-t-il pas une plus grande réflexion ? Pourquoi aborder ces sujets avec une telle légèreté ? (22) L’article réduit les acquis des luttes des noirs à une apparence vestimentaire revendiquée comme une « arme politique ». Ce n’est pas sérieux ! (23)

En revanche, ce débat me rappelle une époque où ma mère envoyait son CV sans photo. Je pensais qu’elle avait honte. La réalité était tout autre, elle cherchait tout simplement à avoir du travail, mais elle avait conscience que sa couleur de peau était un obstacle… sans parler de celles et ceux qui changent leurs noms… C’est encore, malheureusement le quotidien de nombreuses personnes aujourd’hui. Et comment ne pas faire le lien avec l’absence quasi-totale de femmes noires sur vos couvertures ?

ELLE. Cette polémique illustre-t-elle selon vous un phénomène plus large qui touche l’ensemble de la société ?

Sonia Rolland. Cette question intéressante mérite d’être traitée en profondeur… Aimé Césaire disait : « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente »… qu’en est-il de la nôtre ? Là où tant ont fait pour faire avancer les mentalités, nous en sommes encore réduits à réagir à des propos qui ne devraient plus exister (24) dans une société comme la nôtre.

Ma mère et ma grand-mère, issues de cultures différentes, m’ont enseigné le combat contre le renoncement, je n’ai donc pas peur de participer au monde... Le racisme ordinaire des uns naît et prospère du silence des autres.

Ensemble nous pouvons réformer la société (25) en apportant une réflexion qui, à terme, peut la modifier. La protestation collective contre l’article en question (26) est la parfaite illustration d’une société multiculturelle en éveil qui bouge et s’exprime. J’en fais partie, et je mesure la chance que j’ai de pouvoir m’exprimer publiquement, ce que beaucoup n’ont pas. J’espère en tout cas que tout cela ne restera pas anecdotique.

ELLE. Que faudrait-il faire selon vous pour améliorer les choses ?

Sonia Rolland. ELLE a ouvert la boite de Pandore, le magazine détient tous les moyens nécessaires à l’élaboration de sujets divers et variés qui évoquent la femme noire, en harmonie avec notre époque et tout ce qui fait notre société. Je peux comprendre qu’il y ait une fascination pour l’Amérique, mais il serait quand même temps de mettre en avant les acteurs de la diversité française. Lorsque nous vous suggérons de mettre une femme noire en couverture (27), ça n’est pas une faveur qu’on vous demande, mais c’est une façon de vous dire que vous ne vous adressez pas à toutes les femmes. J’ai été longtemps abonnée à ELLE pour ses sujets de société, ses dossiers etc, mais très sincèrement, pour le reste, je ne m’y reconnaissais pas (28). Il est nécessaire de s’ouvrir. Faisons tomber les cloisons… allons à la découverte de l’autre.

La question de la femme noire est un sujet aussi vaste que le sujet de la femme tout court… (29) ELLE sait désormais que la femme noire EXISTE.


Des commentaires ?

01. L'article avait pour nous une connotation négrophobe. 

La suite va montrer que les choses ne sont pas aussi limpides.

02. Racisme inconscient (...), à son insu (02bis)... C’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment (02ter), nous en sommes certains. Et c’est cela qu’on doit combattre. (...) Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de Elle en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente (02quater). (...) C’est pour cela que vous verrez des noirs qui ne réagissent même pas à ce racisme inconscient (2quinter).

Voilà des gens qui n'ont que fort imparfaitement lu la prose de Freud, lequel, il est vrai, mettait l'inconscient à toutes les sauces ! Nous serions, donc, en présence d'une "double inconscience", à ne pas confondre avec la "double inconstance" (Marivaux). Celui qui exprime du racisme en est inconscient, mais la cible de ce même racisme en serait souvent inconsciente elle-même. Et là, on s'interroge : "il est où le problème si personne n'a conscience de rien ?".

Le problème est que j'ai trouvé nos polémistes bien sûrs d'eux, lorsqu'ils s'estiment - c'est, du reste, le propre des adeptes de la secte freudienne ! - capables de déceler, avec certitude, des phénomènes dont ils affirment que l'Autre les génère inconsciemment. Seulement voilà : où est la responsabilité, voire la faute, si tout ça n'est pas conscient, donc pas volontaire, et surtout si, comme on nous le suggère, la cible (les Noirs) n'est pas consciente du racisme qui la vise ?

En tout cas, il faut bien noter la volonté d'édulcorer, voire d'évacuer toute intention malveillante de l'article incriminé, en n'y voyant qu'un processus "inconscient", donc non intentionnel ! 

Là où les choses se corsent c'est quand, outre l'intervention de l'inconscient, se manifestent des dispositifs invisibles.

03. Cet article réactive les codes invisibles structurels (???) du racisme (...). En apparence on ne détecte pas de négrophobie (non mais sans blague !), mais quand on le décrypte (03bis)... Racisme invisible dont on n’a pas conscience (03quater).

Question : c'est invisible parce qu'inconscient, ou inconscient parce qu'invisible ? Cela dit, on aurait aimé que les "décrypteurs" nous fournissent - à l'instar de ce que font les freudiens avec l'interprétation des rêves - les codes du décryptage.

04. On a parfaitement conscience que l’article avait l’intention de promouvoir positivement l’image des noirs.

Ça, c'est la meilleure : le délit d'intention... positive ! Enfin, si l'intention était positive, le résultat est tout autre...

05. Finalement, il produit un racisme qu’il voulait combattreC’est cela qui a été véhiculé dans cet article – inconsciemment, nous en sommes certains (05bis).

Admirable ! L'autre est inconscient(e), mais nous, en revanche, nous sommes parfaitement conscient(e)s de la chose..., croix de bois, croix de fer !

Tout avait pourtant si bien commencé ! Mais il y autre chose : nos polémistes ne savent-ils donc pas que dans le droit de toutes les nations dites "civilisées", il y a de profondes nuances entre, par exemple à une extrémité, les coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner et, à l'autre extrémité, le meurtre avec prémédiation, l'assassinat ? En clair, ont-ils réellement pris la mesure du poids de l'intentionnalité dans la genèse de toute faute ?

05ter. Vous feriez attention à ne plus utiliser certains termes.  

Regrettons ici que cette personne n'ait pas été mise en demeure de citer les fameux "termes" en question pour étayer son argumentation. Parce que la suite est un peu tirée par les cheveux.

06. [Les mécanismes qui conduisent à ce racisme inconscient] sont... dans le système éducatif, médiatique aussi. Tous ces systèmes utilisent les mêmes codes. Parlons de la question des noirs, dont on parle dans l’article. Si vous regardez les manuels d’histoire (06bis),  vous ne voyez jamais les noirs en position de résistance. (...) Les noirs sont aujourd’hui un minimum représentés, mais cantonnés à des rôles de subalternes ou de simples éléments de décor. Ils sont dénaturés, dénigrés (06ter). D’ailleurs, la racine du mot dénigrer vient de nègre. Il faut le savoir. L’école conditionne aussi les gens à rester dans les mêmes conditions sociales (06quater). Cette manière de représenter les minorités visibles conditionne les gens à admettre l’infériorité de certaines races (06quinter) et la supériorité d’autres. 

Tout et n'importe quoi ! Et là, on cherche une cohérence dans ce fatras : ça commence par "la question des Noirs dont parle l'article". Mais quelle question ? Puis l'on embraye sur les manuels d'histoire, le cantonnement des Noirs à des rôles subalternes au cinéma et à la télévision, l'école, laquelle conditionnerait les gens à rester dans les mêmes conditions sociales, et là, on se dit : "Ah bon ?". Puis on élargit le débat aux minorités visibles, sans qu'on sache lesquelles, minorités dont la représentation conditionnerait les gens à admettre l'infériorité de certaines races. Entre temps, nous avons eu droit à un rappel étymologique concernant l'origine du verbe "dénigrer".

Question : quel rapport ce flot de banalités et d'approximations a-t-il à voir avec l'article de Nathalie Dolivo sur les nouvelles égéries noires de la mode ? Mais la suite ne manque pas de sel non plus !

07. La question portait sur (...) de nouveaux clichés, de nouvelles caricatures dont on ne se méfie pas assez et qu’on véhicule. Et là, la réponse montre bien l'espèce d'embrouillamini des idées qui a prévalu à la conception de cette campagne anti-Dolivo.

(...) Un exemple concret : il y a, depuis de longues années,  dans le 5ème arrondissement de Paris, une affiche qui représente un homme noir avec le slogan « au nègre joyeux », au vu et au su de tout de tout le monde. 

Question : en quoi cette ancienne réclame datant du siècle dernier et vantant la bonne humeur d'un nègre (cf. la Revue nègre, les Arts nègres, etc.) est-elle symptomatique de l'émergence de nouveaux clichés et stéréotypes ?

08. Quant aux stéréotypes nouveaux, l’article de ELLE en est un exemple, dans la manière très moderne, et inconsciente,  dont il promeut le racisme. Avec notamment l’emploi du terme « codes blancs ». Au final, cela dénature l’homme (08bis) et la femme noirs.

Manière très moderne et inconsciente de promouvoir le racisme... Bon, comprenne qui pourra. Et il y a le terme, ou plutôt l'expression "codes blancs", qui dénaturerait l'homme et la femme noirs.

Là, on nous parle de promotion du racisme, c'est-à-dire d'une disposition qu'on imagine mal inconsciente, consistant à faire passer le racisme d'un niveau N à un niveau N+1, N+2. Je rappelle qu'on nous avait annoncé que le papier était, à l'origine, pétri de bonnes intentions à l'égard des Noirs, qu'il n'agresserait que de manière inconsciente. Or je doute fortement que la promotion soit un phénomène inconscient. Mais peut-être va-t-on nous expliquer que la journaliste incriminée produit un discours automatique, comme celui du somnambule ou de celui qui parle durant son sommeil ou en plein délire ! 

09. Force est donc d'admettre que c'est inconsciemment qu'il est dit que « la communauté noire est arrimée aux codes du streetwear ». On est noir, on est donc censé soit faire du rap, soit faire du sport ! Ces stéréotypes nouveaux continuent d’être véhiculés. Le racisme institutionnel est à la base de ce type de clichés qu’il faut combattre. C’est la racine même du mal. 

Outre le fait que je ne voie pas le rapport entre streetwear d'une part, et rap et sport, d'autre part, j'avoue renoncer à chercher à comprendre une phrase comme "le racisme institionnel est à la base de ce type de clichés...".

10. La question : "comment faites-vous pour lutter contre ces nouveaux stéréotypes ? Parce que les anciens, comme cette affiche du « Nègre Joyeux », on voit tout de suite que c’en est un" vient opportunément rappeler à l'interviewé qu'il n'a pas éclairci son propos concernant les "nouveaux stéréotypes". De nouveau, on a droit au renvoi à l'inconscient voire au subliminal.

11. Malheureusement, pas toujours, puisque les gens passent devant l’affiche sans voir le problème ! 

Peut-être parce que les gens voient bien qu'il n'y a pas de problème, s'agissant d'une vieille affiche publicitaire, ou que le problème est ailleurs. En tout cas, ce faux débat nous donne une idée du "niveau" où se situe la polémique !   

12. Il faut savoir que nos enfants s’identifient aux images qu’ils voient à la télé et dans les médias. (12bis) On intègre les stéréotypes que la communauté majoritaire tend à nous faire intégrer, et du coup, effectivement, on les reproduit et on les alimente.

Question : pourquoi limiter les effets du conditionnement aux seuls enfants ? Comme s'ils étaient les seuls à accéder à la télévision et aux médias ! Et pourquoi considérer d'emblée que les stéréotypes sont toujours d'origine exogène (cf. la communauté majoritaire, concept flou...) ? Là, on nous fait le coup de l'auto-exonération de toute responsabilité. Est-ce, par exemple, l'influence de la communauté majoritaire qui explique que des femmes africaines vivant en Europe depuis des lustres, à la fois se refusent à toute nourriture autre qu'africaine, tout en renonçant, par ailleurs, à leur chevelure naturelle pour opter pour une chevelure imitant, même de loin, celle des européennes ? Vous admettrez que, si c'était vraiment le cas, ladite communauté majoritaire serait pour le moins contradictoire !

13. Dans ce sens, Elle a un grand rôle à jouer (13bis) Je peux vous dire que nombre de filles construisent leur identité par rapport à vos couvertures, qui, d’ailleurs ne mettent en Une que très exceptionnellement des femmes noires (13ter).

Vous avez compris ? Que le rôle moteur éventuel du magazine Elle se bornait à soigner ses affichages en Une du journal ? Vous avez compris que nos polémistes ne lisent du magazine que la seule couverture ? Je suis mort de rire !

14. Nous sommes une société multiculturelle. (14bis) Et vous devriez refléter cela, avoir conscience de l’autre.

Ça, ça ne mange pas de pain, mais je trouve que c'est un peu trop vague !

15. Mais nous sommes conscients du caractère vicieux du système éducatif, de l’aliénation qu’il produit. On intègre nous-même ces codes.

Ah bon ? Nathalie Dolivo (cf. 08) n'avait donc pas tort d'affirmer que "(...) en 2012, la blackgeoisie a intégré tous les codes blancs..."

Question : tout ça pour ça !?

16. Il faudrait que les lectrices se procurent l’article en question datant du 13 janvier. En analysant chacune des phrases que nous contestons dans la tribune que lemonde.fr nous a offerte, elles comprendront mieux notre stupéfaction.

Voilà un conseil qu'il aurait fallu adresser à Audrey Pulvar : se procurer l'article en question, en analysant chacune des phrases..., au lieu de balancer des anathèmes à partir de simples fragments piqués sur des captures d'écran !

17. Notre réponse (…) n’est pas virulente, comme vous le laissez entendre, mais avec une pointe d’humour, car nous en avons encore malgré tout.

Ben qu'est-ce que ça aurait été si la réponse avait été virulente ! Volonté de Rolland d'atténuer la polémique lancée par Pulvar ?

18. Un article est le résultat d’une réflexion collective devant faire l’objet d’une recherche journalistique approfondie. Je m’étonne donc que la rédaction ait pu valider un tel papier ! 

Validation du papier par la rédaction ? Sonia Rolland a-t-elle simplement pensé que la rédaction en question pouvait ne pas partager son avis ?

19. Il y a des propos sans fondement. 

Affirmer est une chose, démontrer en est une autre.


20. (Des propos) stéréotypés, stigmatisants, condescendants voire méprisants. 
Là, c'est pas pareil ! Est-ce que dire qu'avec un peu moins d'un quart de la population du pays, les Afro-américains représentent pas loin des deux-tiers des pensionnaires des prisons américaines est un propos : 1) sans fondement ? 2) stéréotypé ? 3) stigmatisant ? 4) condescendant ? 5) méprisant ? 

21. Il ne s’agit pas de dire que le magazine est raciste, mais sa méconnaissance du monde noir aboutit à la reproduction de stéréotypes qui peuvent relever du racisme. 

Pour sa part, Pulvar était catégorique : papier imbécile et raciste. Il est vrai qu'elle n'a pas incriminé le magazine dans son ensemble. Je retiens quand même l'hésitation : "stéréotypes qui peuvent relever de...". Au fait, ils consistent en quoi, ces stéréotypes ?

22. Dans la mesure où l’article s’appuie sur des références sérieuses ; « le combat des droits civiques », le « Black Power »,  « Angela Davis », ne mérite-t-il pas une plus grande réflexion ? Pourquoi aborder ces sujets avec une telle légèreté.

De la légèreté ? Dans un magazine de mode ? Voilà Elle élevé à la dignité de traité de sociologie politique ! Il me semble qu'on sort du sujet, qui n'est pas Angela Davis, laquelle n'a été citée que "par la bande", mais bien l'émergence d'une escouade de jeunes filles qui s'habillent d'une manière jugée détonnante. Et il suffit de regarder les photos pour juger de la légèreté du propos. 


23. L’article réduit les acquis des luttes des noirs à une apparence vestimentaire revendiquée comme une « arme politique ». Ce n’est pas sérieux !

Faux débat relevant du procès d'intention.

24. Nous en sommes encore réduits à  réagir à des propos qui ne devraient plus exister dans une société comme la nôtre.

C'est précisément le propre du procès d'intention, qui consiste à voir le mal partout.


25. Ensemble nous pouvons réformer la société en apportant une réflexion qui, à terme, peut la modifier.

Réformer la société ! Quelle prétention, quelle outrecuidance ! Alors même que L'Oréal se permet de "retoucher" une de ses rares égéries (un peu) noire, histoire de la blanchir un peu plus, sans que personne ne s'en émeuve !?

26. La protestation collective contre l’article en question est la parfaite illustration d’une société multiculturelle en  éveil qui bouge et s’exprime. J’espère en tout cas que tout cela ne restera pas anecdotique.

Ah, le beau poncif que voilà : multiculturel ! Question à cette chère Sonia Rolland : lorqu'elle se rend au Rwanda, dans quelle langue communique-t-elle donc avec sa lointaine famille vivant au fin fond de la campagne ?

Moi qui ai été professeur particulier chez à peu près tout le monde - je veux dire des familles de toutes origines - je puis attester que c'est dans les familles africaines que la pratique de la langue maternelle est la plus défaillante. Et quand je demande à de petit(e)s Africain(e)s : c'est quoi votre langue maternelle ? Ils me regardent avec des yeux tout ronds. Rien de tel chez les Asiatiques, Hispanisants, Slaves, Turcs, Portugais : trouvez-moi un(e) adolescent(e) chinois(e), né(e) en France, et qui ne parle ni n'écrive le chinois, vous aurez le plus grand mal ! Alors, cette histoire de "société multiculturelle", dans la bouche d'estropiés de leur propre culture, ça me fait doucement rigoler !

27. Lorsque nous vous suggérons de mettre une femme noire en couverture, ça n’est pas une faveur qu’on vous demande, mais c’est une façon de vous dire que vous ne vous adressez pas à toutes les femmes.

Cette obsession de vouloir faire figurer des femmes noires en Une de Elle, je l'ai déjà évoquée ailleurs. C'est à se demander si nos polémistes ne limitent pas la lecture de ce magazine à la seule contemplation de sa Une !

28. J’ai été longtemps abonnée à Elle pour ses sujets de société, ses dossiers etc, mais très sincèrement, pour le reste, je ne m’y reconnaissais pas.

Et alors, il est où le scoop ? Et pourquoi ce magazine devait-il être, à lui seul, la quintessence de toute la presse féminine ? Il m'avait pourtant semblé que l'offre était plutôt pléthorique en matière de presse féminine. La preuve ?



Comme preuve qu'il m'arrive de consommer de la presse féminine ! Ce qui précède n'est empreint d'aucune légèreté, bien sûr ! (Vie pratique - Madame, avril 2010)


29. La question de la femme noire est un sujet aussi vaste que le sujet de la femme tout court… Elle sait désormais que la femme noire EXISTE.

Et la femme chinoise ? Et la femme indienne ? Et la femme japonaise ? Et la femme inuit ?


Si je devais accorder une note aux prestations du collectif anti-négrophobie et de Sonia Rolland ? Ce serait 6/20 pour le premier, dont je n'ai pas du tout apprécié le discours brumeux et abscons, et 12/20 pour la seconde, à laquelle on pourrait reprocher d'être juge et partie. En effet, des femmes noires à la Une de Elle, est-ce que ça ne veut pas dire... Sonia Rolland plus souvent à la Une de Elle ? Remarquez, personnellement, je n'ai rien contre. Surtout en petite tenue !


Prochain épisode : Eppur si muove!


Tiens, dans le genre hystérique et délirant, voyez donc ce qui est arrivé à Mary J. Blige.

Vous avez compris ? Ils doivent trouver, dans la "communauté afro-américaine", qu'il y a trop de stars noires visibles dans les publicités. Du coup, confier à une fille noire, en l'occurrence Mary J. Blige, une pub sur le poulet frit, vous imaginez le scandale ! Burger King est raciste ! Forcément ! Et voilà la pub retirée... Ça ne vous rappelle rien ?